Gardienne du voir :
Des mots se précipitent pour dire ce que je vois, je les retiens.
La mathématicienne a avalé le monde
elle rêve des principes, des lois, des théories.
De ses visions je pose des hypothèses.
Elles iront à la rencontre du monde
en feront l'expérience.
Un jour elles seront réfutées.
Aujourd'hui elles sont mon modèle.
Gardienne du voir
me confiant tout entière à la vision d'une mathématicienne morphique
je rejette les ignorances et les mensonges
je coupe les mots falsificateurs et séduisants
je résiste à tout ce qui s'engendre par certitudes, par évidences, par habitudes.
Ouvrir des yeux qui n'inventent rien.
Ne voir que ce qui se donne à voir en morphique mathématique.
Ne rien ajouter au voir.
Rien qui ne ressemble à un corps et un cerveau
les mots déjà dit.
Rien qui ne soit comme la fonction d'une structure
les mots déjà dit.
Rien qui n'émerge d'un processus cognitif
les mots déjà dit.
Rien qui ne soit les substances chimiques du vivant
les mots déjà dit.
Rien qui ne vienne de rumeur et d' illusions
les mots déjà dit.
Je retiens les mots du déjà dit.
Je fais science de la réalités se faisant par la vision mathématicienne
je fais science de mon apparition
je suis celle faisant apparaître la réalité
la réalité qui se fait, quelqu'un la faisant
et non plus la réalité déjà là.
Je fais hypothèse d'une scintillence à voir.
J'enlève les voiles anciens.
J'ouvre tes yeux sur un champ des possibles.
Les mots encore jamais dit, viendront.
Éthologue :
Maintenant que tu le dis
maintenant je le vois comme tu me dis.
je vois ce que tu veux dire.
Ce que je voyais au regard ancien est toujours là
mais j'y pose un regard nouveau
le rêve devient vision
la scintillence du morphactual apparaît.
Bien sur je reconnais le ver marin
comme il se voit d'évidence
mais éthologue morphique
comme l'aveugle hallucinant une vision
je cherche le morphe
le milieu d'Uexküll avec son ver marin.
Je cherche une actualescence se faisant
une actualescence sans cesse répétée
une ondulation en symétrie axiale
Le morphactual tout entier
un ombilic des limbes.
Je dessine la réalité.
Regarde mon dessin.

N'y voit aucune dimension, ni grand, ni petit
aucun ordonnancement euclidien
il n'y aucun Euclide pour l'établir
juste un dessin glané au touffu des apparitions
un morphe apparu à mon champ des possibles
une idée en l'air portée par Morphée.
Bien sur il y a la substance
mais je ne vois que le morphactual
cet halluciné est la réalité apparue.
Je scrute la gluance axiale avec ses anneaux
un axe qui s'allonge et se raccourcis
un précurseur d'Incertain-Cohérent
en pourtour et en interstice
le champ d'ondulance
Entre gluance et champ d'ondulance
immédiateté de l'indistinct
chaque événement qui m’apparaît dans le champ d'ondulance
un chaud ou un froid, telle molécule, tel oxygène
est toujours, en même temps et sans distinction
événement de la gluance m'apparaissant.
Tout ce qui ne fait pas effet dans la gluance
n'est pas de ce morphe. N'existe pas.
Je scrute le ver marin rampant dans le sable.
Je vois l'actualescence de la gluance
poussant sur le dernier anneau à chaque allongement
tirant vers le premier anneau à chaque raccourcissement
poussant l'avant, tirant l'arrière
une ondulation qui avance
une gluance qui fait reptation.
L'actualisation du morphe se répétant à l'infini
répétition d'une même actualescence
une succession du même acté s’enchaînant
font d'une succession de reptation
une ondulation qui avance.
La gluance axiale fait l'axe d'une mobilité
sur le sable ou dans la vase
entre des algues ou des rochers
première locomotion
le ver avance.

Chaque actualescence de la gluance est ainsi acté du morphe
ainsi à mon regard éthologiste apparaît l'acte
une succession de reptation, toujours identiques, toujours renouvelées
à peine finissant et déjà recommençant à l'identique
un acte de la gluance dans le champ d'ondulance
une succession d'acte toujours identique.
Du ver, éthologue morphique
j'observe que les actes de la gluance
prennent des intensités variables.
Ainsi avancer, peu ralentir jusqu'à devenir immobile
comme plus assez intense pour produire un avancer concret
les successions d'actes ondulants restent inefficients
il y a toujours un début, un déroulement, une fin
seul le déploiement en amplitude n’apparaît plus
une immobilité s'installe
la succession des instants demeure
l'immobilité est un acte.
Du ver, éthologue morphique
j'observe que les actes de la gluance
prennent des formes diverses.
Ainsi avancer et rencontrant un obstacle dans les limbes
devient reculer, tourner ou contourner
mais toujours résultante d'un seul acté
aux circonstances des limbes.
D'un verbe l'éthologue nomme l'acte qu'il voit à la gluance :
Avancer.
Et des variations :
Ralentir, arrêter, accélérer.
Rien d'autre.
Si comme Aristote je voyais l'animal sans morphe
j'interpréterais la fonctionnalité des actes
avancer sert aussi à manger
mais aussi digérer, avaler, excréter, respirer
un seul acte faisant tout ce qui est nécessaire
pour que le ver dure et se reproduise.
Regardant le morphe en entier
tout cela est invention
et voir ce qui n'est pas.
L'acte n'a pas une fonction physiologique
L'acté du morphactual est sans raison et sans cause.
Cet ondulant, avançant dans la vase et l'eau
nourrit bien mieux chaque viviale
que les éponges isolées dans l'océan.
C'est l'avancer qui nourrit le ver.
La locomotion est un avantage
qui favorise la descendance.
La descendance du ver est bien nourrie.
La descendance du ver est nombreuse.