Sensible et dépouillée :
Contemplation de ce réel
comme Fernando Pessoa regarde les champs et les rivières
je laisse arriver ce qui m'arrive en cette circonstance.
Y être de haute présence
comme n'y étant pas.
Sujet du voir, je me sens.
Suivant le cap des rêves morphiques
je vis des gestes sans aucun mot pour les dire.
Je m'accompagne en silence du geste se faisant
prenant le temps de faire encore, ce qui déjà se fait.
Ainsi je vais en subjectivation morphique.
Le vivant est dans la viviale.
Est-il dans mon vécu ?
Je ferme les yeux.
Sensible et dépouillée
des métamorphoses molles
une grouillance gélatineuse
un murmure mouvant
sont mes fulgurances.
je me sens vivre
le grouillant, le malléable
le gélatineux, le fragile
le permanent renouvellement
l'incommensurable durée
les courants d'eau et de chaleur
le goût du sel.
Infiniment lentement un mot se prépare.
Je suis lèvres suspendues, un souffle déjà commencé
mais pas encore articulé.
Un mots que je ne connais pas.
Un mot qui vient d'inconnu.
Un mot d'avant un premier instant.
Un mot disant mon vécu.
Sensible et dépouillée viennent les mots
le grouillant, le malléable
le gélatineux, le fragile
le murmure mouvant
le permanent renouvellement
l'incommensurable durée
les courants d'eau et de chaleur
le goût du sel.
Ce sont mille mots
mais ce n'est pas un mot fulgurant.
J'ai vu le vivant mais je n'en ai pas la fulgurance.
Je ne sens rien du vivant des viviales.
Je ne suis pas vivante de qualité.
Me sentir vivante n'est pas de mon vécu.
Pas plus que je ne me sens morte.
Vivant n'est pas de mon vécu.
