Utopie :
Scribe
ton livre est écrit
gravé aux pierres et aux métaux
inscrit au souvenir de tous
offrant le mythe fondateur
ouvrant les recommencements.
Toute la sincérité des écho-émues est déployée
en une langue maternelle déjouant les évidences.
Scribe, écho-émue tu déjoues en langue maternelle
mais ta langue maternelle se joue de toi.
Scribe
tes mots viennent de la figure du récit
malgré gardienne du voir
malgré protectrice des morphes
en langue maternelle
toujours tu n'écris que comme déjà il est écrit.
Mais à ce qui paraît définitif
répond le principe d'Incertain-Cohérent.
Me proclamant Utopie
à chaque recommencement du livre
je convoquerais des variations
qui au temps long des générations
feront une langue nouvelle.
J'espère une langue morphique.
Utopie :
Scribe
aux argiles définitives
déjouant les récits déjà dit
s'inspirant de Morphée
ton livre est inscrit au souvenir de tous.
En langue maternelle
tu écris : Je cours
tu écris : Je vis et je respire
tu écris : Je transpire
tu es comme ignorant le morphe en son entier
tu es comme ignorante du verbe qui te précède
tu es comme gluance étrangère à la réalité
tu es comme une abstraction envahissant le verbe
tu es comme sujet ignorant sa réalité
tu es comme l'agent de tes verbes
et non plus sujet mettant le verbe dans la réalité.
Scribe
en langue maternelle
ton sujet s'illusionne d'être sujet du verbe.
Mais au principe d'Incertain-Cohérent
bien sûr que vacille la figure du sujet.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements.
Au temps long des générations
j'espère une langue morphique.
Scribe
ton livre est écrit
porté à la figure du récit
offrant les paroles intangibles
au mythe fondateur.
En langue maternelle
tu écris : L'oiseau vole
tu écris : La pierre roule
tu oublies les verbes qui font l'oiseau et la pierre
tu oublies qu'au principe d'incertain cohérent
tu oublies que l'oiseau et la pierre sont concepts
tu oublies que de toi ils apparaissent à la réalité
tu oublies que tu es sujet de la réalité un morphe dans son entier
Scribe
en langue maternelle
te faisant sujet rétréci
tu fais d'un concept le sujet d'un verbe.
Mais au principe d'Incertain-Cohérent
bien sûr que vacille la figure du récit.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements
l'espérant en langue morphique.
Scribe
de figure du récit
et de gardienne du voir
faisant langue commune
ton livre est écrit.
En langue maternelle
tu écris : Nous marchons
tu écris : Ils s'en vont
tu écris : Le peuple avance
tu te laisse enrôler au pluriel séduisant
tu te laisse dépouiller d'être unique et singulier
tu te laisse envoûter, le pluriel est concept
tu te laisse bercer à la rumeur d'un concept se faisant sujet de verbe
tu te laisse effacer, mis hors sujet à la réalité
Scribe
en langue maternelle
tu oublies l’intégrité du morphe
le pluriel mis sujet, anéantit le sujet singulier.
Mais au principe d'incertain cohérent
basculent les certitudes civilisatrices.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements
l'espérant en langue morphique.
Scribe
aux argiles d'éternité
et au surplomb du monde
faisant figure intangible
ton livre se fige.
En langue maternelle
tu écris : Le monde existe avant que je ne sois là pour le nommer
tu écris : Le monde existe même lorsque je ne suis plus là pour le nommer
de ton monde tu le fais éternel
de ton monde tu le fais irrémédiable
de ton monde tu fais objective abstraction
de ton monde les verbes faisant réalité ont disparu
de ton monde le faisant rempli de concepts creux
de ton monde le faisant rempli de mots insensés
de ton monde éternel tu le fais extérieur, incréé, a-poétique.
Scribe
en langue maternelle
ton monde est objet et matière
tu ne vois rien des morphes
ton monde est mécanismes des substances
tu ne vois rien de la réalité
ton monde est certitude
tu ne vois rien des renouvellements d'Incertain-Cohérent.
Pourtant au principe d'incertain cohérent
revient toujours l'instant délicieux des apparitions.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements
l'espérant en langue morphique.
Scribe
aux argiles d'Ourouk
au souvenir de tous
défiant l'éphémère
ton livre est écrit.
En langue maternelle
tu écris : Sujet libre et responsable, je décide
tu écris : Je décide de mon destin comme Gilgamesh court à l'immortalité
tu écris : Je veux l'éternité pour mon peuple
tu effaces la réalité
tu effaces et tu y mets des verbes impérieux
tu effaces la réalité pour un sujet absolu
tu assujettis unique et singulier
tu assujettis unique et singulière
tu assujettis les sexes de l'un et de l'autre
tu assujettis le féminin et le masculin
tu assujettis, ne laissant que des sujets pour un roi
tu as peur de l'instant et de l'éphémère
tu as peur de la mort.
Scribe
en langue maternelle
les verbes impérieux de la volonté
font des cheminements effrayés en labyrinthes.
Mais au principe d'incertain cohérent
advenir à la réalité est l'acte de liberté
toi cheminant, le chemin se trouve en marchant.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements
l'espérant en langue morphique.
Scribe
ton livre est écrit
gravé aux mémoires
l'auteur est l'élu
son nom est définitif.
En langue maternelle
tu écris : Tout livre a son auteur et l'auteur a tous les droits
tu écris : Homère écrit l'Odyssée et l'Odyssée est le récit d'Homère
tu écris : Désormais le livre est unique et du livre vient la création
tu oublies que te viennent les mots
tu oublies que des mots tu viens
tu oublies que tes mots sont paroles
tu oublies que les mots parlent puis se taisent
tu oublies le récit qui te crée, toi créant le récit.
Scribe
en langue maternelle
l'auteur est unique créateur.
Mais au conte d'incertain cohérent
l'auteur est inconnu.
La fantasia d'Incertain-Cohérent
est libre de droit et sans auteur.
Scribe toujours n'est qu'un Écho-émue.
Me proclamant Utopie
je mets ton livre aux recommencements
l'espérant en langue morphique.