Écho Émues

L'Incertain-Cohérent

Humanya :

Si ouvrant un livre
et qu'il soit le conte où
danseurs et voltigeurs
renouvellent les envols ;

et si ouvrant ce livre
aux chutes et aux envols
que s'y rencontre un rêve d'origine
une mathématique faisant
un morphe source de moi même
un morphe d'avant les entraves ;

et si ouvrant le livre
étant ému à la voix désirante
que se rêve la forme d'un geste juste
un seul morphe en son intégrité
clair comme l'évidence
et rien d'autre que ce rêve
clair comme l'évidence ;

alors viendra le geste
par lequel se quitte
l'irrémédiable soumission
à ce qui déjà est.

Si ouvrant un livre
et qu'il soit d'une texture
hallucinant une théorie des cohérences
conduisant à l'artefact
image et ressemblance
de celle qui désire
de celui qui écrit
comme nul autre conte
jamais ne le fit ;

et si ouvrant ce livre
de théories réfutables
par des observations déjà faites
un livre de possibles prédictions
faisant des expériences possibles
un livre à la science méthodique ;

et si ouvrant ce livre
délaissant sa science
y lisant la fantasia
et néanmoins en faisant mon histoire
y devenant morphe de la réalité
faisant geste d'infini
puis y devenant le narrateur
faisant sujet du verbe conter
et ainsi trouver le fil de mon histoire ;

alors une histoire se tresse
en fil d'existence pour de funambules équilibres
où je me tiens en équilibre toujours renouvelé.

Si ouvrant un livre
et qu'il soit le conte
où se retrouvent les gestes qui me précèdent
les actes qui déjà se font
comme des avants qui déjà me constituent
avant que je n'advienne
avant mon vécu ;

et si ouvrant le livre
d'exercice quotidien où tout se recommence
au geste juste et sur le fil d'équilibre
refaire ce qu'il faut de geste
pour que se dissolvent
les gestes préconçus
les gestes trop voulus
les gestes sans forme
les gestes qui ne disent rien
les gestes incertains ;

et si ouvrant le livre
que j'y sois au travail des explorations
au quotidien des exercices
au rituel de l'humain
à l'hypothèse du danseur
et que dans mon ardeur
jouant de la liberté des mots qui fondent les réalités
j'y trouve la même ténacité que celle du dessin
et que de même ténacité je mâche le papier du dessin ;

et si ouvrant le livre
me tenant au fil de son principe
entamer le revenir d'absence
retrouver les gestes d'apparition
donner le temps du renouvellement
des dessins de Michel-Angelo
recomposer les textures
libérant le figé du trait ;

et si ouvrant le livre
aux exercices du vécu
ralentir ce qui se vit
pour que chaque inspiration
depuis sa prémisse jusqu'au silence qui s'ensuit
devienne un instant vécu
pour que chaque expiration
depuis sa prémisse jusqu'au silence qui s'ensuit
devienne un instant vécu
comme l'occasion offerte au souffle de remodeler l'argile d'un acte primordial
comme laisser au souffle le temps de faire son œuvre traversante
comme rétablir le souffle en sa simplicité
offrant ainsi le temps aux métamorphoses ;

et si ouvrant le livre
du trop de gestes
que d'un geste qui cesse
ainsi se vive un revenir d'absence
tenir fermement l'immobilité
le rien et longtemps
d'intense présence
suspendu aux équilibres oscillants
comme de laisser les millénaires de vagues dessiner les rivages ;

et si ouvrant ce livre
le tenant ouvert à toutes les pages
et à tous ses instants
prenant patience d'éternité
me tenant seul dans le dessin qui me fit
parcourir l'escalier d'Eurydice
et ramener un visage
moi même me disant
et me disant, que ce qui se dise
soit moi même advenant
me faisant image et ressemblance
du principe d'incertain cohérent ;

et si plongeant au livre
que deux visages se confondant
dissolvant le miroir
ne deviennent qu'un seul nom ;

alors vivant et revivant l'instant de mon apparition
j'y puise le désir irrésistible des pulsations.

 
Si feuilletant un livre
un livre qui en jeu
déjoue le destin ;

un livre qui toujours se recommence
jamais définitif ;

un livre où l'escalier d'Eurydice
ouvre en tout sens le passage des mondes ;

et que perdant attrait
aux mystères inutiles
et que perdant attrait
aux mots séducteurs ;

et que suspendant ma parole
à la gardienne du voir
et que suspendant ma parole
à la protectrice des morphes ;

et si le bruissement des pages
soudain se tait ;

alors écho silencieux
vient que je parle d'une voix émue
sujet advenu.

Gardant ouvert le livre
à la page du logos
constater ce qui est.
Rien d'autre que de voir se faire l'animer
celui du danseur sur scène
celui de l'éponge océane
l'éponge, au flux de l'animé, n'est d'aucun vécu
il n'y a de vécu que celui du danseur.

Voyant l'animer pourquoi en chercher
une causalité originelle ?
un mystère à éclaircir ?

Tout simplement constater.
Voir l'animer, vivre l'animer, le nommer de son verbe
et rien d'autre, je n'invente rien ni à mon vécu, ni a ma vue.
Ce qui apparaît objectivement est la même chose que ce que je me sens vivre.
D'animer je suis faite.

Gardant le livre ouvert
à la page du logos
constater ce qui est.
Rien d'autre que de voir se faire l'acte de présence
celui du danseur sur scène
celui de l'écureuil sur la branche
l'écureuil, au geste qui se voit, n'est d'aucun vécu
il n'y a de vécu que celui du danseur.

Accepter que l'écureuil n'est pas sujet de l'action
il n'y a de sujet que celui du danseur.

Tout simplement constater.
Rien d'autre que de me sentir présent, faisant acte de présence
et quitter la présence lorsque je cesse cet acte.
Ce qui apparaît objectivement est la même chose que ce que je me sens vivre.
De présence je suis faite.

Gardant le livre ouvert
à la page du logos
constater ce qui est.
Le sujet de l'action apparaît lorsque se font des actes de réalité.
Et rien d'autre.

Quand sur scène je vois le personnage
ce par quoi je le vois, ses petits gestes de réalités
est aussi ce par quoi il se vit personnage.

Le vécu, ma conscience de ce geste
le vécu est un geste faisant réalité qui se vit, que tu vois
voyant ce geste il est aussi ce que tu vis
vivant ce geste tu es conscient.
La conscience est conscience d'un acte déjà là
toujours un geste en plus de ce qui déjà se fait
il n'y a rien qui serait la conscience de rien
sinon sa disparition.

Tout simplement constater.
Rien d'autre que de me vivre en réalité.
Que cessent les petits actes faisant réalité
et me voilà disparu
de conscience disparue
sujet endormi, à la nuit.
Ce n'est pas la mort
seule la conscience s'est retirée
suspendue en rêve
et reviendra à l'éveil.

Gardant le livre ouvert
à la page du logos
constater ce qui est.
Rien de plus à expliquer
ce que voit le danseur de l'hypothèse
ce que vit le danseur de l'hypothèse
est l'explication.
Il n'y a rien d'autre
rien d'autre que ce qui se voit
rien d'autre que ce qui se vit
je suis fait très précisément de ce que je me sens vivre.
Et c'est tout.
C'est simple
des verbes, des phénomènes
tellement plus simple.

Et si Gardant le livre grand ouvert
à la page des bipèdes
et que la théorie des cohérences réponde à la question
« Pourquoi quelqu'un, plutôt rien ?»
et que la théorie des cohérences réponde à ma question
sans aucun pont à jeter au dessus du gouffre séparant le corps et l'esprit.
et que la théorie des cohérences dissolve la question
« pourquoi quelqu'un plutôt que rien ?» ;

alors vient
l'instant du rien.

 
Si posant le livre ouvert
ne se pose plus la question de la conscience
plus de question, pas de mystère ;

la certitude d'être conscience
bien qu'inextinguible
est pourtant fragile
toujours au bord de sa dissolution
la certitude d'être conscience se défaisant
j'ignore sa défection
je suis aux insouciances ;

et si posant le livre ouvert
que du rien vienne la question
et si je n'étais que cela ?
ce geste de réalité se faisant
recouvrant tous les autres
d'un vécu les faisant
et si je n'étais que cela ?
une question qui me fait silencieux
et que tu sois ce silence ;

et si posant le livre
un livre écrit
pour en faire texture
et que fermant les yeux
tu deviennes de cette texture
alors ce livre jamais définitif
alors ce livre de recommencement
alors ce livre t'appartient.

D'un livre posé
au soir des lassitudes
Est ce vrai ? Est ce faux ?
au soir des lassitudes
science ou fantasia ?
de petits gestes de presque rien
comme si ainsi j'étais fait
de petits actes de presque rien
écho en moi se font ;

toi et moi
reposant sur ces pages
de nos mots enlacés
être simplement là
simple c'est tout ;

Oui c'est bien plus simple
tout simplement des mots
des mots d'Écho-émue ;

et si du livre posé
m'ouvrant comme une main
Est ce toi ? Est ce moi ?
vient le recueilli d'un silence ;

alors apaisé en repos
commence une nuit d'éternité.