La clameur :
Engloutis ils avalent le monde.
Engloutis ils dissolvent les mots.
Désirante :
Je n'ignore pas de quel dessin je suis, je ne peux l'ignorer
toute ma difficulté est le figé du dessin
bien plus difficile que de renoncer au savoirs et aux évidences
le figé du dessin est tenace
et abandonner l'évidence de la réalité est rare.
Il y a mes entraves
cette façon d'être à la réalité
sans plus la voir apparaître
comme si elle était là de toute éternité
et moi-même au labyrinthe.
Ayant retrouvé l'humaine réalité
et toujours me cherchant
encore je reprends l'escalier d'Eurydice
ainsi aux années et chaque jour
à nouveau du mieux que je puisse
répétant l'exercice
je déjoue les évidences.
Et parfois au repos d'un soir
je m'enfonce dans la nuit
sans plus rien qui ne se dise.
La clameur :
Engloutis ils avalent le monde.
Engloutis ils dissolvent les mots.
Voltigeur :
Sans plus rien qui ne se dise
je m’ensevelis de mots déjouant les évidences.
Réceptacle de tout ce qui se dit, de tout ce qui se vit
l'inextricable chaos des mots m’étourdit comme la rumeur.
Au foisonnement des expériences
déjouant les évidences
je quitte certitudes et autres vieilleries
je quitte attitude naturelle et biologie naturelle
je tiens à distance les mots usuels
je les met en suspend jusqu'à douter de leur validité
je doute du mot corps mais aussi de la chose « corps »
je doute du mot esprit mais aussi de la chose « esprit »
je doute de la chose elle-même que les mots semblent désigner.
Au foisonnement des expériences
déjouant les évidences
je me perd au désordre des mots
sans histoire, sans narration, sans fil conducteur.
Au foisonnement des expériences
aux ateliers déjouant les évidences
chaque instant se vit comme un acte
chaque instant se nomme d'un verbe
une évidence nouvelle et tellement immédiate
que je m'étonne des détours de l'évidence ancienne
qui invente le corps et l'esprit.
Au foisonnement des expériences
aux ateliers déjouant les évidences
il fut tellement simple de déjouer.
Il a suffit de jouer.
Imaginer est un acte qui se joue, que je joue.
Croire que nous imaginons dans nos têtes est simpliste.
Croire que nous voyons avec nos yeux est simpliste.
Croire que nous sentons l'anatomie est simpliste.
L'évidence ancienne plutôt que simple est simpliste.
Les mots de l'évidence nouvelle sont simples.
mais autrement simple que j'en avais l'habitude.
Au foisonnement des expériences
aux ateliers déjouant les évidences
il a suffit de ralentir.
Les actes minorés à nouveau sont vécus
les actes minorés ne sont plus effacés
chaque instant est multitude d'actes minorés.
Voltigeur
dans la foison désordonnée de mots nouveaux
aux mots joués et déjoués
j'ai reconnu comme des actes se faisant
des actes se faisant avant que j'y sois pour les faire.
Je ne suis pas à l'origine de moi-même.
Voltigeur
au foisonnement des mots sont venus
métamorphose, animé, souffle
acte simple et concret
l'étendue et ses lieux et ses bords
le temps et l'espace
les regards
faisant des scènes
identifiant des objets
ouvrant la réalité
le sujet y apparaissant.
Voltigeur
aujourd'hui nourri de mots nouveaux
de simples mots d'évidence dansante
ce que je vois lorsque je te regarde
ce que je me sens vivre
se chevauchent portés par le même mot.
Voltigeur
aujourd'hui je te vois désirant ce fruit
je sais le geste que tu vis
malgré que tu sois ignorante de ce geste.
Le voir et le vivre sont un même mot.
Voltigeur
les verbes font les instants
l'expérience vécue est succession d'instants
nos existences sont successions d'instants.