Évidence :
Je suis l'évidence de la réalité.
Aux paysages humains je suis celle qui parle avant que tu n'y sois pour le dire.
Tes mots viennent de moi plutôt que de toi.
Je suis celle qui parle par ta bouche
et voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Je vois la réalité qui m'entoure
la réalité dans laquelle je vis
au quotidien de ma vie.
Je suis l'évidence de la réalité.
D'un regard j'embrasse ma vie.
Je sais mon nom et mon histoire
je sais mon pays et ma maison
je me sais européenne en 21ième siècle
je sais le réel et l'illusion
je me sais à la réalité.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
La réalité est là, à saisir, à comprendre, à expliquer
la réalité est régis par des lois que je peux déchiffrer.
Ce que je vois continue d'exister même si je ferme les yeux.
Ce que je vois continue d'exister même si je n'y suis plus.
la réalité n'a pas besoin de moi pour exister
il y a un réel et je vis dans la réalité.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Le monde est là
je le désigne, je le nomme
tu le regardes avec moi
nous contons son histoire
nous partageons notre origine.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Le monde est là dans sa géographie
je sais que de l'autre coté de la mer il y a l'autre rive
je sais qu'au bout de la route il y a le but du voyage
je sais le ciel et la circulation des astres
je sais les fosses marines et la mesure de leur profondeur
je sais les cartes inventée et l'imaginaire des abîmes.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Le monde est là autour de la maison
ce pays, ce peuple, cette langue
le mur de la cité nous protège.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Il y a le visible et l'invisible.
Il y a ce monde et l'autre monde
ainsi s'explique tout ce qui est inexplicable
ainsi se soulage tout ce qui est insoutenable.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
Le corps est là, réalité de sa substance
le corps est là, réalité anatomique
avec son squelette, ses muscles, ses articulations.
Chaque acte est une composition de mobilités articulaires
chaque acte est organisé par le cerveau.
De la réalité
voici de ma voix d'évidence
ce que ta bouche articule :
L'esprit émerge de l'activité du cerveau.
Je pense, je suis consciente, je réfléchis
je suis humaine de conscience
sapiens est ma définition.
De toute évidence
le monde et moi-même sommes réels
et devant moi, l'espace du jeu.
Voltigeur :
Ayant parcouru l'escalier d'Eurydice
j'accepterai la chute comme Orphée le fit
y perdant l'évidence de la réalité qui me précède en mes mots.
Refaire encore le geste
de nombreuses années de recherche
les universités, les danses, les poèmes
patiemment explorer le même geste
la même danse et quelques mots
et encore y revenir.
Refaire encore le geste
un éternel recommencement
espérant une correspondance
entre ce qui est et ce qui devrait être
pourtant ignorant tout de ce qui devrait être
et encore y revenir.
Refaire encore le geste
attendre l'inconnu se résolvant dans le geste
chercher ma danse
chercher ma voix
chercher mes mots
et encore y revenir.
Descendu à Eurydice autant qu'il se puisse
j'ai perdu d'être le sujet de mes gestes.
Je m'approche de l'espace des jeux
l'atelier où se travaille le geste humain.
Je défie les évidences.
Je bascule.
Lucide :
Lucide
je sais les mots qui viennent de civilisation
je sais les labyrinthes dualistes et réductionnistes
Je sais les mots qui viennent d'évidence
je sais le piège des attitudes naturelles en langue maternelle.
Je connais les entraves.
Mais qu'importe !
Aux mots insufflés à la chute
s'effacent les mots qui viennent de civilisation
s'effacent les mots qui viennent d'évidence
s'effacent les mots qui viennent d'entrave.
Aux savoirs anciens l'évidence disait :
Il y a la réalité
elle se perçoit, s'invente, s'imagine ou s'ignore
je suis le sujet de la réalité
celui qui perçoit, invente, imagine ou ignore.
Le cognitif, le psychologique, l'émotionnel
sont ma conscience, ma pensée, mes cognitions.
Cela vient d'un système nerveux qui traite de l'information.
Mon esprit émerge de la complexité.
Du vécu d’Écho-clair-émue
du vécu de Sensible et dépouillée
Lucide, j'écoute les mots.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi partageant un regard sur le monde
apparaît la réalité et sa certitude
Ainsi partageant un regard sur le monde
viennent des mots qui la nomme
je me souviens des gestes faisant exister la réalité.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi désignant la réalité
je suis celui qui la désigne
ainsi je jette sous moi même un fondement.
je me suis découvert comme créant une réalité
je suis apparu, faisant ce qu'il faut pour être sujet de moi même
je me souviens des gestes faisant exister le sujet.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi faisant narration d'une création
j'apparais narrateur de la création
ainsi personnage de cette histoire
je suis le nommé du conte des origines
conteur démiurge faisant l'histoire et y apparaissant
je me souviens des gestes faisant apparaître l'histoire.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi faisant géographie du monde
j'apparais géographe surplombant le monde
je vois la réalité selon des points de vues
je me souviens des gestes faisant exister les géographies.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi édifiant des enceintes et des frontières
faisant des dedans et des dehors
j'apparais architecte édifiant son monde
séparant ceux de la cité et les étrangers
je me souviens des gestes faisant exister les limites.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi dialoguant avec les mondes invisibles
j'apparais chamane reliant les mondes
Au delà de la réalité je révèle l'inconnu
je te dirais aussi l'indicible
je me souviens des gestes faisant exister l'invisible.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi te dessinant dans la perfection
dans la perfection dessiné je suis l'anatomiste
je vois la réalité du corps et des substances
je comprend les mécanismes et les articulations
je me souviens des gestes faisant exister l'anatomie.
Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Ainsi suivant le fil de mes pensées
vient que je sache la danse
et que d'esprit je suive les enchaînements
et que d'esprit je sois sujet qui s'observe
je me souviens des gestes faisant exister extérieur à moi-même.
Danseur exigeant, au laboratoire des danses
jouant des circonstances qui défont les évidences
s'explorent en aller retour les gestes, leurs vécus
et les mots qui les nomment.
Quittant l'évidence de la réalité je dis :
Par des actes minorés se faisant, vient une réalité
un monde apparaît
moi-même apparu au monde
certain d'être sujet
certain de la réalité
à distance du monde
en être le sujet
en être l'origine.
Savoir.
Lucide
je compile les expériences.
Lucide
j'accumule les mots
lucides
déjouant les évidences.