H30 | Écho Émues

Souffleur :

Énigmatique, à la chute
J'insuffle des circonstances
où se perdent les évidences.

Tu bascules !
Ceci ou cela ?

A ta chute j'insuffle
des foisonnements de verbes.

Prend cette pierre et pose là
prend cette corde et fouette l'air
prend cette feuille et froisse-la
prend ce tissus et déplisse-le.

Je t'invite à faire attention
aux gestes que tu fais
rappelles-toi du détail de tout ce que tu fais
pour poser
pour fouetter
pour froisser
pour déplisser.

Maintenant
tu arrives dans cette salle
il y a la pierre
il y a la corde
il y a le feuille
il y a le drap
tu observes les ébauches de gestes qui se font
lorsque tu vois la pierre
lorsque tu vois la corde
lorsque tu entends le froissement du papier
lorsque tu entends le glisser sur le drap.

Oui comme anticipant ce qui pourrait se faire
se prépare la forme de la main qui saisit ou repousse ou touche
se connaît le poids dans l'effort imaginaire
se connaît la texture dans le geste des doigts.
A chaque situation vient
une foison d'actes en ébauches
une composition d'actes imaginaires
une profusion de sentiments d'actes
une harmonie d'actes minorés
que d'habitude tu oublies.

Continue, tu accueilles les actes minorés déjà se faisant
tu joues, laisse-les se faire en grand
tu joues, laisse-les se faire mais déformés
tu joues, laisse-les se faire mais autrement
tu joues, laisse-les se faire mais transformés.

Descendue à Eurydice autant qu'il te puisse
je te laisse jouant à tous ces gestes
une danse improvisée commence.

Écho-clair-émue :
D'évidence perdue, je ne sais plus
je suis la première fois.
Des mots viennent, des mots m'échappent
je suis la première fois.
Des mots qui nomment les instants
je suis la première fois.

Sensible et dépouillée :
Je vois ta danse.
Je suis l'autre en miroir.
Plongeant à mon sentiment
au plus simple de mes mots
je dis ta danse.

Écho-clair-émue :
Je fais ce qu'il faut de gestes en ébauches pour ne pas me perdre dans le temps
je prend le temps, ainsi le temps qui s'écoule.

Sensible et dépouillée :
Sous-tendu d'ébauches de gestes
comme une trame invisible que je devine
toujours tes gestes sont à temps
tout vient au bon moment.

Écho-clair-émue :
Une pulsation, des rythmes
je cours et chaque pas marque ce temps
me marque d'une pulsation
je saute, je tourne, je m'élance
chaque geste trouve son moment
exactitude du moment qui convient à ce geste
dans la pulsation se faisant
ma danse se rythme
s’accélère
s'apaise
s'interrompt et reprend
se précipite
puis longuement s'étire
et s'arrête
une immobilité comme une éternité.

Sensible et dépouillée :
Au presque rien des gestes
Tu me prends
et le temps s'étire.
Au presque rien des gestes
tu me prends
et le temps se précipite.
Au presque rien des gestes
tu me prends
et je ne ne vois plus le temps passer.

Écho-clair-émue :
J'imagine le temps.
le temps se danse.

Sensible et dépouillée :
Je suis avec toi
ta danse me donne le temps.

Sensible et dépouillée :
Je vois ta danse.
Je suis l'autre en miroir.
Plongeant à mon sentiment
au plus simple de mes mots
je dis ta danse.

Écho-clair-émue :
Je danse des imaginaires

Une porte s'ouvre
je la traverse
d'un froid vif, je suis saisi.

Je m'approche d'un arbre
je cours sur une branche
je m'y enroule.

Une pierre au sol apparaît
d'un souffle je l'allège
la voici aérienne
retenue par des mains.

Ouvrant mes mains la pierre disparaît
j'entends un bruit
et d'un sursaut j'efface ce qui fut.

J'explore, je joue, j'écoute, je touche des invisibles.

Sensible et dépouillée :
Tu danses
je vois un foisonnement
le piquant que tu évites
cela que tu contournes
le souple sur lequel tu tombes
l'air auquel tu te raccroches
le tourbillon qui te prends
le silence que tu poses.

Écho-clair-émue :
Je danse le foisonnement des possibles
une danse foisonnante.

Sensible et dépouillée :
Tu danses
je vois mille choses
qui pourtant ne sont pas.
Je vois des invisibles.

Lucide :

Lucide
je sais les mots qui viennent de civilisation
je sais les labyrinthes dualistes et réductionnistes
Je sais les mots qui viennent d'évidence
je sais le piège des attitudes naturelles en langue maternelle.
Je connais les entraves.
Mais qu'importe !
Aux mots insufflés à la chute
s'effacent les mots qui viennent de civilisation
s'effacent les mots qui viennent d'évidence
s'effacent les mots qui viennent d'entrave.

Aux savoirs anciens l'évidence disait :
Imaginer ou prévoir
sont des activités cognitives
qui s'élaborent dans un cerveau.
Se situer dans le temps ou dans l'espace
percevoir un objet
sont des activités psychologiques et subjectives
qui s'élaborent dans un cerveau.

Du vécu d’Écho-clair-émue
du vécu de Sensible et dépouillée
Lucide, j'écoute les mots.

Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Imaginer, prévoir, se souvenir, percevoir
sont actes en ébauche
sont une miniature d'actes à foison
sont comme des essentiels de l'acte
sont un acte évoqué
sont un acte simulé, devenu invisible et pourtant acte
sont un acte souterrain, une sub-action
sont foison harmonieuse d'actes minorés.

Aux mots insufflés à la chute j’entends :
Dès que cessent les actes en ébauches
ce qui s'imagine, disparaît
ce qui se perçoit, s'estompe
l'anticipation, se perd
le souvenir, s'efface .

Aux mots insufflés à la chute j’entends :
par des actes en ébauche
J'invente le temps
J'invente l'espace
je suis situé.
avant que je ne les fasse apparaître
il n'y avait ni le temps ni d'espace
je m'amuse de leur apparition et de leur disparition.

Danseur exigeant, au laboratoire des danses
jouant des circonstances qui défont les évidences
s'explore en aller retour les gestes, leurs vécus
et les mots qui les nomment.
Quittant l'évidence sensible des dehors je dis :
Par des harmonies d'actes minorés se faisant
je suis situé
je connais ce qui m'entoure
et au delà est l'inconnu.

Lucide
je compile les expériences.
Lucide
j'accumule les mots
lucides
déjouant les évidences.