Narrateur :
A l'instant advenu
me voilà sujet
narrateur
me souvenant de mon apparition
je connais mon histoire.
A l'instant advenu
Gilgamesh
te voilà sujet
déjà oubliant l'apparition
déjà tu ne sais plus qui tu es.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
roi d'Ourouk.
Narrateur :
A l'instant advenu
Gilgamesh
au premier instant du sujet apparu
tu recouvres d'oubli les actes minorés
tu négliges leur subtile apparence
tu oublies les actes de ton apparition
tu oublies tout ce qui fut avant que tu ne sois
tu oublies même l'animer de ton origine.
Advenue sujet oublieux
sans plus de fondement
tu consens à la croyance naïve du sujet déjà là
tu oublies l'histoire qui nous fit.
Tu t'ignores et tu affabules
seulement sachant qu'il te faut te chercher.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
roi d'Ourouk
je sais mes origines
et mon puissant lignage.
Narrateur :
Roi d'Ourouk
sujet oublieux de toi-même
tu étends ton règne à tous tes actes.
Devenant sujet de tous tes verbes
tu prends possession des actes se faisant.
Sujet orgueilleux
tu envahis ton vécu.
Oubliant d'où tu viens
tu dis : Je marche.
Tu te fais sujet du verbe marcher.
La marche pourtant déjà là
se trouve soumise à un roi
soumise à ta loi.
Oubliant d'où tu viens
tu dis : Je respire.
Tu te fais sujet du verbe respirer.
La respiration pourtant déjà là
se trouve soumise à un roi
soumise à ta loi.
Tu te sais roi d'Ourouk
mais sujet envahissant
tu ne te connais plus.
Tu t'ignores et tu affabules
seulement sachant qu'il te faut te chercher.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
roi d'Ourouk
maître de moi-même
estimé par les dieux.
Narrateur :
Roi d'Ourouk,
d'un rempart tu entoures la cité.
Oubliant d'où tu viens
tu dis : Nous sommes d'Ourouk.
Parlant au nom de tous
du pluriel, tu fais un sujet
du pluriel tu te fais le maître.
Tu te fais impérieux
assujettissant
et ton peuple
et leurs verbes
mais sujet régissant
tu ne te connais plus.
Tu t'ignores et tu affabules
seulement sachant qu'il te faut te chercher.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
Roi d'Ourouk
j'étends mon royaume à tous mes sujets
d'un rempart j''entoure la cité
d'un rempart je protège mon peuple.
Narrateur :
Roi d'Ourouk, dominant le fleuve
tu étends ton royaume à tous les actes
tu donnes à tous les verbes un sujet grammatical.
Oubliant d'où tu viens
Tu dis : Le poisson nage.
Faisant d'un poisson le sujet de sa nage
la nage pourtant déjà là
se trouve assujettie par un poisson
que tu affabules déjà là avant la nage.
Tu te sais roi d'Ourouk
mais en langue maternelle tu t'égares
tu ne te connais plus.
Tu t'ignores et tu affabules
seulement sachant qu'il te faut te chercher.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
Roi d'Ourouk
j'étends mon royaume à toute la plaine
d'un pouvoir qui protège de l'inconnu.
Narrateur :
Roi d'Ourouk, te recueillant les yeux clos
tu étends ton royaume au visible et à l'invisible.
Tu rencontres le mystère de la conscience
et convaincu de sa prochaine résolution
Tu t'affabules maître du savoir.
D'une langue impérieuse dominant toute la création
tu exiges une épopée à ton nom
un mythe des origines.
Au récit de ta création
n'y manque que quelques mots pour la révélation
n'y manque qu'un peuple pour la vénération
n'y manque qu'un dieu tout puissant
qui te fasse roi d'Ourouk pour l'éternité.
Gilgamesh
Tu te sais roi d'Ourouk
mais orgueilleux d'épopée
tu te crois d'une histoire qui n'est pas ton histoire
tu ne te connais plus.
Tu t'ignores et tu affabules
seulement sachant qu'il te faut te chercher.
Gilgamesh :
Je me sais Gilgamesh
Roi d'Ourouk
j'étends mon royaume à toutes paroles
j'inscris l'histoire de mon peuple
aux archives d'humanité.
Narrateur :
L’œuvre achevée et gravée aux argiles définitives
tu es face au réel, plein de ton pouvoir
maître des certitudes et des histoires
ordonnanceur des destins
dominant tes sujets
rayonnant d'épopée
mais lorsque tombe Enkidu
rencontrant ton ignorance
tombant en vacuité
vomissant les affabulations
tu es pris par l'angoisse.
Gilgamesh :
je me sais Gilgamesh
roi d'Ourouk.