H105 | Écho Émues

Eurydice :

D'outre nuit
venant d'Orphée
vint une danse
je suis déjà à cette danse.

En mon apparition
gravissant l'escalier du revenir
selon les circonstances
je suis capable de retenir le geste
je suis capable de ne faire qu'un peu
ce sont des actes imaginés.

Toujours mes actes se font dans un espace
prennent le temps des musicalités et du rythme.
Je danse imaginant les lieux et les saisons.
Je danse étant située.

Je danse
donnant à voir des invisibles.
Rien d'autre.

Éthologue :

Aux évocations de ta danse
je cherche les ressemblances animales.

D'un regard éthologue
je descends les strates du vivant-animal.
Aux évocations de ta danse
je reconnais la nage du poisson
je reconnais le bond de la grenouille
je reconnais des actes se faisant
avancer, tourner, reculer, nager, fouir, bondir
des arrêts ou des attentes.
un répertoire d'actes simples et concrets

Toujours ce qui est alentour participe de l'acte
une instantanéité d'acte selon des circonstances.
L'animal est une étendue.

Du poisson ou du crapaud
je ne projette rien
je renonce à voir un ensemble de cellules
dont la physiologie serait l'explication de ce que je vois
je renonce à voir du mystérieux ou de la métaphysique.
Je n'invente rien
ne pas forcer mes yeux à voir plus qu'ils ne voient.
Je ne vois
rien d'autre qu'un animal agissant
rien d'autre que des actes simples et concrets
cela suffit à le décrire.

Éthologue :

Aux évocations de ta danse
je cherche les ressemblances animales.

D'un regard éthologue
je descends les strates du vivant-animal.
Aux évocations de ta danse
je reconnais ce reptile ébauchant des actes.
Il se souvient des chemins
il prévoit la proie
il anticipe la soif
il organise son espace
il prend le temps.

Du reptile
je ne projette rien
je renonce à voir un ensemble de cellules
dont la physiologie serait l'explication de ce que je vois
je renonce à voir du mystérieux ou de la métaphysique.
Je n'invente rien
ne pas forcer mes yeux à voir plus qu'ils ne voient.
Je ne vois
rien d'autre qu'un territoire arpenté
rien d'autre que des actes situés
cela suffit à le décrire.

Éthologue :

Aux évocations de ta danse
je cherche les ressemblances animales.

D'un regard éthologue
je descends les strates du vivant-animal.
Aux évocations de ta danse
je reconnais les sauts et les jeux de l'écureuil
je reconnais les apprentissages du rat.

Les mammifères sont affectueux
ils ont une enfance, ils n'y sont pas seul
ils finissent de se construire en jouant
ils partagent terrier ou troupeau.

Du mammifère
je ne projette rien
je renonce à voir un ensemble de cellules
dont la physiologie serait l'explication de ce que je vois
je renonce à voir du mystérieux ou de la métaphysique.
Je n'invente rien
ne pas forcer mes yeux à voir plus qu'ils ne voient.
Je ne vois
rien d'autre que des liens affectueux
rien d'autre que le connu d'un territoire
cela suffit à le décrire.

Orphée :

Aux mots de l'éthologue
je danse comme lézard
imaginant l'espace
je danse comme lézard
te faisant croire au territoire
courir, s'arrêter, jaillir, se cacher
imaginer des chemins ou bien s'égarer.

Je n'y suis pas comme le lézard y est.
Si j'étais lézard
il n'y aurait rien d'autre que des actes dans un territoire
et rien de moi qui ne te vienne.
J'y suis comme n'y est pas le lézard
j'y suis humain dont tu épouses la danse.

Les yeux fermés je suis venu à toi
tu vois ma danse
je te la donnes à vivre.
Tu ne vois plus Orphée dansant
je joue de toi.
Je t'initie aux situations inventées
couleur, odeur et lumière
roche, sable ou océan
bruissement, silence ou tempête
je te perds dans les imaginaires
je t'ensorcelle
je joue de toi.

Dansant le lézard, j'évoque en toi le souvenir et le projet.
Ma danse te touche en ce que tu as de reptile
te rappelle qui tu es, d'où tu viens
ma danse te rappelle à toi-même.
Revenant à toi
tu t'éveilles animale
tu connais désormais cette danse.