Ivre des habitudes :
J'ai reconnu un dessin.
Un dessin figé attendant un premier souffle
suspendu en attente d'une émotion pas encore née.
La fureur déjà dans le dessin, viendra
la désespérance déjà dans le dessin, attendra
la tendresse déjà dans le dessin, te figera
Et le papier attend encore d'être mâché.
Au tournoiement des habitudes
sans cesse les perdant, sans cesse y revenant
je m'enivre et recommence
heureux comme joueur
jouant à déjouer
que m'importe le dessin
je n'ai rien d'autre que ce dessin
il n'y a rien d'autre que ce dessin.
Ivre des habitudes
toujours je suis d'une enfance.
Alors éperdument enfant
à déjouer le destin je joue.
J'aime tellement jouer de tout.
Et puis qu'importe !
Puisque cela est ainsi.
Je me joue des premières fois.
Me souvenant de toutes les enfances dessinées
je regarde le trait qui fige l'étonnement
et le mot qui le dit
et celle qui nomme
et celui qui s'étonne.
Te souviens-tu du premier geste ?
Comment la première fois se soulève des paupières ?
Ce geste de te voir ? Et cet étonnement qui vient ?
Revivre encore la première fois.
A déjouer le destin je joue.
J'aime tellement jouer de tout.
Et puis qu'importe !
Puisque cela est ainsi.
Si les mots ne parlent qu'à ceux qui peuvent les entendre
désormais les entendre même au delà des mots.
Ils disent un geste comme la première fois que le geste se ferait
un geste qui te comble d'existence :
« C'est le geste qui te fera ».
Et soudain un autre jeu te fait dormeuse.
Et soudain ton visage se durcit.
Et soudain un souffle exhalé efface tes pleurs.
ainsi chaque jour se joue à nouveau le conte de ta sincérité
A déjouer le destin je joue.
J'aime tellement jouer de tout.
Et puis qu'importe !
Puisque cela est ainsi.
Je suis de ce pays, de cette langue
dessiné dans cet horizon.
Je joue de dessin fait et refait
comme comédien du personnage
forçant les traits, superposant les caractères
créature joueuse d'elles même, effaçant l'original
je ne distingue plus le créateur et la créature.
A déjouer le destin je joue.
J'aime tellement jouer de tout.
Et puis qu'importe !
Puisque cela est ainsi.
Toujours jouer se suffit à soi même.
Et quoi d'autre serait possible ?
Je sais le dessin et sa ténacité.
Je n'ai rien d'autre que le dessin qui me fit apparaître. Et je n'y peux rien.
Il faut bien parler depuis soi
puisqu'il n'y a personne d'autre que soi même pour vivre et œuvrer à le dire.
Ma sincérité.
Je sais le dessin et sa ténacité
la sincérité de mes mots et le piège des illusions grand ouvert devant moi.
Je n'ai rien d'autre que cette enfance.
Ma sincérité.
Je sais le dessin et sa ténacité.
La seule chose à laquelle j'ai accès est l'habitude
et les mots en leur enclos.
Ma sincérité.
Rien d'autre que des habitudes désormais éclairées.
Je sais que les mots viennent de ce que je suis déjà
individus de ce dessin là, qui me fige.