Souffleur :
D'un mot qui parle et te dit, je t'envahis.
Je suis celui qui fait poème, savant du mot créateur.
Je te nomme de mots de poème et de sagesse.
Tu frémis.
Mais le geste en toi ne se fais pas.
L'étranger :
A ton cri, j'ai ouvert les yeux sur le dessin que je suis
Est-ce toi ? Est-ce moi ?
Qu'importe !
Bien sur si j'étais roi mésopotamien
beau parleur de Carthage
ou druide Breton
je ne ferais pas ainsi mes gestes.
Je suis enfant d'Europe.
Regarde de quel dessin je fus lorsque Michel-Angelo m'invoqua !
Mon geste, je le fais de par ma façon d'être au limon et à la vase
c'est ma longueur, ma largeur, mon gluant, mon glissant
je suis de cette forme, de ce dessin
ainsi forgé en mon habitude
les mots du poète ne m'envahissent pas
le geste du revenir ne me parvient pas.
Je ne m'envahis que de mes propres mots
ainsi close à tes mots, il ne font pas le geste en moi
ils ne m'envahissent de leur chair
ils disent un geste que je pourrais faire
et dont j'ai perdu la possibilité de le faire
je n'ai plus les mains ni les organes permettant de le faire.
Ma maladresse !
Tes mots ne me parlent pas comme ils te parlent.
Je suis prisonnier de l'habitude.
Bien que de grande sincérité
je ne peux faire autrement que ce que déjà je fais
tel que constitué, tel que je fus dessiné.
Aucun mot jamais ne dira mon revenir d'absence.
L'étranger :
A ton cri, j'ai ouvert les yeux sur le dessin que je suis.
Est-ce toi ? Est-ce moi ?
Qu'importe !
Maintenant je sais pourquoi à la sortie de chaque nuit, impitoyablement, je fais recherche.
Maintenant je sais les labyrinthes des humains.
Maintenant je sais ce qui me porte et ce qui m'entrave.
Maintenant je sais ce que je cherche et pourquoi je le cherche.
J'ai reconnu le dessin que Michel-Angelo fit.
Maintenant je sais le dessin qui parle et que je suis.