L'étranger :
Qui parle ?
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit ...
Je me découvre adulte et en effarement
né enveloppé d'angoisse
accueilli par des doigts en cisaille
une angoisse à couper le souffle dès le premier souffle
une angoisse à se mettre hors de soi dès le premier cri.
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit ...
Je me découvre tel un dessin de Michel-Angelo
d'un élan me jetant au néant
ventre disloqué, bras ouverts
mains en crampe, dos en crampe
la tête en arrière devenue pierre
la gorge serrée devenue pierre
pierre hurlante mais sans souffle et sans voix
me jetant hors de moi, les yeux crispés sur eux-même
me jetant par ailleurs et fait silencieux
ne trouvant pas le premier souffle.
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit …
Je me découvre tel un dessin de Michel-Angelo
des mots pétrifiés dans des muscles articulatoires
ayant l'intuition lointaine que quelque chose pourrait se dire
quelqu'un tout absorbé dans ses pensées
et tout entier jeté par ailleurs
un plissement douloureux du regard
adouci en une apparence d'égarement naturel
une vie un peu dans la lune, un peu dans les nuages.
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit ...
Je me découvre tel un dessin de Michel-Angelo
de ce dessin naissent tous les prochains gestes
organisant en ce désordre toutes les attitudes
un premier geste pour s'absenter imprégnant tous les autres
enfant humain maladroitement construisant sa maladresse
des nuit peuplées de morts et les matins reprenant les chants légers
les courses dans les cistes blancs et les jeux timides
mais chaque jour ombré de nuit
chaque jour vécu comme à distance.
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit …
Je me découvre fait de ce geste primordial
ainsi constitué, ainsi dessiné
de pierre, de sable, de boue ou de buée
ainsi maladroit
des nuits peuplées d'histoires
et au matin dans des draps froissés
avant toute chose se reposer de la nuit
pour faire face au quotidien …
« Bonjour, comment aller-vous ? »
« Bien et vous ? »
Rêve ou cauchemar ?
Qu'importe !
Un matin
au hasard d'un rêve
comme d'outre nuit …
Ainsi advint que je fasse souffle dans cette forme là, souffle ainsi coupé.
Ainsi advint que je fasse geste figé et maladroit
Ainsi enfanté, tout simplement.
Souffleur :
D'un mot qui parle et te dit, je t'envahis.
Je suis celui qui fait poème, savant du mot créateur.
Je te nomme de mots de poème et de sagesse.
Tu frémis.
Mais le geste en toi ne se fait pas.
Tu es malhabile, hésitante
comme d'une terre trop dure ou trop molle
comme faite de figé et d'absence.
Tu es inaccessible
comme le minéral
comme l'informe.