Écho Émues

L'Incertain-Cohérent

Évidence :

Chaque jour, aux gestes répétés
je rencontre d'avoir à tourner ma langue mille fois
avant de dire un premier mot qu'il serait valide de dire.

Si chaque jour je reste muet
c'est que je rencontre mille autres façons
qu'il y auraient à dire cela.

Selon que je sois
roi mésopotamien
chasseur-cueilleuse de Dordogne
ou reine de Saba.
Selon que je sois
druide breton
ouvrière d'usines mondialisées
ou pêcheur pacifique.
selon que je sois
contemplatif à Lisbonne
Pythie des exhalaisons
ou professeur d'université new-yorkais.
Selon que je sois
maraîchers japonnais
Cassandre fille d'Homère
ou beau-parleur de Carthage.
Selon que je sois
Sibylle à Delphes
Inca magnifique
ou savant à Paris.

Chaque jour je cherche le mot qui vient du vécu.
Toujours les mots sincères du senti
viennent de mon école plutôt que du geste.

Mes mots les plus sincères ne te disent pas le geste, ils disent de quelle école je suis.
Mes mots ne te parlent pas si tu ne connais pas déjà le geste du revenir d'absence.
Mes mots ne t'éveillent pas si déjà tu n'as pas ouvert de grands yeux étonnés.

Je cherche le mot qui vient du vécu
mais toujours le vécu vient de mes mots.

Je cherche le mot qui vient du vécu
mais toujours les mots du senti viennent d'une école.

Épuisé d'exercice et quoique d’extrême langueur
inextinguible est mon désir de te dire le geste qui nous fit apparaître.
En lents mouvements quêtent d'une humanité cherchant ses mots
infiniment lentement comme une mer froide et engourdie
je cherche encore comment dire ce geste.
Le vivre tellement lentement que je pourrai m'entendre dire.

Chaque jour je cherche au geste de nommer
aux heures, aux mois, aux années
je donne mon souffle au mouvement
pour qu'un reflux me lave de tout ce qui déjà fut dit.
Refusant de nommer ce geste, d'un nom qui ne soit pas le geste
avec les gens du mouvement, cherchant le mot du geste
j'explore le geste du mot, l'articulation d'un souffle.